CHAPITRE XI

Sommaire

Le fief des Carneaux. - La ferme de l'abbaye de Villiers.

Le fief des Carneaux

En l'année 1231, au mois de mars, le chapitre de Notre-Dame de Paris acheta de Henri de La Norville et de Thomas son frère, tous deux chevaliers, un manoir ou hébergement à La Norville, entouré de deux arpents de terre environ pour la somme de cinquante et une livres parisis. Ce manoir était sous la dépendance de Comtesse et de Marguerite, filles de Gui de La Norville alors décédé et sœurs de Henri et de Thomas. Les deux frères s'étaient engagés envers le chapitre de Paris à faire consentir leurs sœurs à cette vente avant la fête de la Pentecôte de l'année 1231, et les maris de ces dernières, un mois après qu'elles auraient contracté mariage, s'obligeant à payer, en cas de non-réussite la somme de vingt-quatre livres parisis pour les frais et dépens.

Le manoir ainsi vendu avait été donné à Comtesse et à Marguerite par le roi de France. Le consentement du souverain était encore nécessaire pour la validité du contrat. Les vendeurs s'engagèrent donc envers le chapitre à rendre le prix d'achat et à donner vingt livres d'amende si dans l'intervalle de trois années, le roi contraignait les acquéreurs à remettre entre les mains des deux sœurs les terres et le manoir. Pierre de Guillerville, chevalier, et Pierre de Châtres, écuyer, se portèrent garants pour Henri et Thomas de La Norville, promettant de donner eux-mêmes ces diverses sommes au chapitre, dans le cas où celui-ci ne pourrait demeurer dans la paisible jouissance de son acquisition.

Henri et Thomas de La Norville n'obtinrent pas dans le délai voulu le désistement de leurs sœurs. En l'année 1232, l'official de Paris, par l'intermédiaire des curés de Châtres et de Linas, fit comparaître devant lui Pierre de Guillerville et Pierre de Châtres. Ceux-ci durent payer tous les frais et l'acte de vente fut annulé(1).

Ce manoir, avec les deux arpents de terre qui l'entouraient, donné par le roi aux filles de Gui de La Norville et mouvant du prince à cause de son château de Montlhéry, fut appelé, probablement à cause de quelques ornements militaires les fiefs des Carneaux ou des Créneaux. Il était situé le long de la grande rue de La Norville, devant le manoir des religieuses de Villiers, et tenait à la maison seigneuriale qui passa des mains d'Isabeau de Tigery en celles de Jean le Breton.

Ce fief devint, très probablement par un mariage contracté par Comtesse ou par Marguerite, la propriété de la famille des de La Neufville. En 1392, il était possédé par Clément de ce nom et, dans la première moitié du XVe siècle, par Catherine de La Neufville, épouse de Jean des Noyers, écuyer, secrétaire du roi. La descendance masculine de Jean des Noyers et de Catherine de La Neufville s'éteignit au commencement du XVIe siècle. En l'année 1540, le fief des Carneaux avec ses dépendances était possédé par Charles de Joussier, écuyer, qui, dans un aveu rendu au roi le 14 avril de cette année, disait le tenir de sa bisaïeule Catherine de Neufville. A cette époque, le fief des Carneaux consistait en une maison, cour et jardin tenant à l'église de La Norville, et en un arpent de terre près du même lieu, tenu par Etienne Hersaut, moyennant une redevance de 11 sols 3 derniers tournois de cens et rente payables chaque année au jour de saint Rémy. De ce fief dépendaient quelques censives à prendre sur plusieurs maisons, terres et vignes sises à La Norville, à Châtres et au Clos-Marchais, montant à la somme de six livres, et donnant droits de lods ventes, défauts, saisines et amendes; treize arpents de terre en trois pièces près la justice de Châtres rapportant chaque année cinq septiers de blé méteil et trois septiers d'avoine, valant en moyenne cent cinq sols; un arrière-fief à Sceaux le Grand avec ses dépendances, et les fiefs du Clos-Marchais, de la Vallée, du bois d'Aunay et des Noyers.

Charles de Joussier, à sa mort, laissa une nombreuse famille; deux fils : Adrien et Claude, et cinq filles : Anne, Agnès, Charlotte, Marie-Anne et Valentine. Le fief des Carneaux ne fut pas partagé. Le 28 août 1550, Nicolas Perrot, marchand drapier, bourgeois de Paris, et Clément Lecop, marchant demeurant à Châtres, achetèrent pour la somme de 1,110 livres les droits qu'Adrien de Joussier, seigneur de Villiers-le-Sève, en la paroisse de Coubert, près Brie-Comte-Robert, Claude de Joussier, seigneur du Colombier de Coubert, et François de Saint-Paul, écuyer, époux d'Anne de Joussier, pouvaient avoir sur ce fief et ses dépendances. L'année suivante, le 10 février, et en 1554, le 24 novembre, le même Clément Lecop se rendit acquéreur des droits qu'avaient sur les biens Alexandre de La Rama, écuyer, seigneur de Gronvost et d'Enfer, époux de Marie-Anne de Joussier, et Charles de La Roque, seigneur de la Grange du Mont, époux de Valentine Joussier.

Les deux autres cinquièmes du même fief furent acquis par Robert Croisille et Catherine Biseau, son épouse, le 11 juillet 1561, de noble homme Antoine de Saussay, écuyer, seigneur de la Chapelle de Lanson, en Champagne, époux d'Agnès de Joussier, et, le 25 janvier 1565, de Christophe d'Espinars, écuyer, seigneur de Montbelin, époux de Charlotte de Joussier.

En 1578, le fief des Carneaux appartenait aux héritiers de Clément Lecop et de Robert Croisille; Vincent Dumouchet, chevaucheur de l'écurie du roi; Louis d'Estréchy et Michel Gaultier. Vincent Dumouchet vendit sa part, le 14 avril 1583, pour la somme de 60 écus, à Renée Baillet, veuve de Jean de Thou, dame de Bonneuil et de Sceaux. Au mois de Juillet 1585, celle-ci rendit foi et hommage au roi de cette portion devant la Cour des Comptes par son procureur Robert Sabourin, comme on peut le constater par les lettres patentes de Henri III dont le texte suit :

Henry, par la grâce de Dieu roy de France et de Polongne(a), à nos amis et féaux les gens de nos comptes à Paris, prévost du dit Paris ou son lieutenant et à notre procureur et receveur ordinaire du dit lieu, ou leurs substituts, ou commis, salut. Savoir nous faisons que notre bien amé Robert Sabourin au nom et comme procureur suffisamment fondé de procuration de damoiselle Renée Baillet, dame de Bonneuil et de Sceaux, veuve de défunt Me Jehan de Thou, lui vivant seigneur du dit Bonneuil, conseiller et maître ordinaire des requêtes de notre hostel, nous a ce jourd'huy au bureau de notre chambre desdits comptes les foy et hommage que la dite Baillet nous estoit tenue faire pour raison de haulte justice de la dite terre et seigneurie de Sceaux, ses appartenances et deppendances tenues et mouvant de nous à cause de notre prévosté et vicomté de Paris, plus de la moitié du fief des Carneaux assis à La Norville, aussi tenu et mouvant de nous à cause de notre chasteau de Montlhéry et à la dite Baillet appartenant par l'acquisition qu'elle a faite du feu sieur de Tresmes et de Vincent Dumouchet. A quoi le dit Sabourin au dit nom a été reçu, sauf notre droit et l'autrui. Et vous mandons à chacun de vous si comme lui appartiendra que si à cause des dits foys et hommages non faits la dite haulte justice de Sceaux et moitié du fief des Carneaux ci-dessus déclarées ou aucunes de leurs appartenances ou deppendances sont ou estoient mises en notre main ou autrement empêchées, vous les mettiez ou faites mettre à la dite Baillet ou délivrer incontinent et sans délai pourvu que dedans temps dub elle en baille par écrit en notre chambre des comptes foy, aveu et dénombrement, fait et paié les autres droits et debvoirs si aucuns nous soient pour ce dubs si faits été paiés ne la a. Donné à Paris, le dernier jour de juillet, l'an de grâce 1585 et dans notre règne le onzième.

L'année suivante, 1586, au mois d'avril, Renée Baillet acheta de Louis d'Estréchy l'autre moitié du fief des Carneaux et devint ainsi maîtresse de la totalité de ce domaine dont relevait une partie de ses possessions en la paroisse de Sceaux.

Ce village, devenu maintenant un chef-lieu d'arrondissement du département de la Seine, était composé, au XIIIe siècle, de deux parties : Sceaux le Petit et Sceaux le Grand. Indépendantes l'une de l'autre, elles furent réunies au XVe siècle en la seule main de Jean de Baillet, primitivement seigneur de Sceaux le Grand. Ce dernier fief comprenait l'hôtel des Baillet et le vieux village vers Chantenay. C'est lui qui était dans la mouvance des Carneaux, à La Norville.

Jean Baillet avait hérité Sceaux le Grand de Pierre Baillet, son père, qui l'avait lui-même acquis d'Alix de Vaubouillon, veuve de Bérault-Buisson, en son vivant conseiller du roi. Jean Baillet eut un fils nommé Thibault. Ce dernier, de son mariage avec Jeanne d'Aunoy, dame de Tresme et de Silly, eut une fille, Anne Baillet, et un fils, Renée Baillet, qui hérita de la terre de Sceaux. Renée Baillet, épouse de Jean de Thou, seigneur de Bonneuil, était fille de ce seigneur. C'est elle qui acheta le fief des Carneaux et en rendit hommage au roi Henri III.

En l'année 1597, Renée Baillet vendit ses possessions de Sceaux et son fief de La Norville à Louis Potier, son beau-frère. Une fois en possession de ces biens, Louis Potier, chevalier, marquis de Grèves, comte de Tresviers, baron de Montjay et Le Fresnoy, seigneur de Sceaux, de Bourg-la-Reine, de Plessis-Piquet et autre lieux, conseiller du roi en son conseil d'Etat et en son conseil privé, secrétaire des commandements de Sa Majesté, voulut acquérir tout ce qui dépendait primitivement de ses domaines et en particulier du fief des Carneaux. Dans la vente de 1583, Vincent Dumouchet et Catherine Biseau avaient retenu une partie de ce fief. Le 4 novembre 1605, Louis Potier acheta de leur ayant cause Claude de Lavoisier, commissaire des guerres demeurant à Montlhéry, les arrière-fiefs de la Vallée, du bois d'Aunay, du Clos-Marchais et des Noyers pour la somme de 600 livres.

Ce seigneur avait augmenté et transformé son domaine de Sceaux. Après avoir jeté bas l'hôtel des Baillet, il avait fait bâtir, en 1597, une grande et belle maison qui fut probablement le premier château construit dans le pays. Il désira soustraire cette importante propriété à la mouvance de l'humble fief des Carneaux. Dans ce but, le 1er mai 1625, il donna purement et simplement à Auguste Galland, conseiller du roi, les droits qu'il avait sur ce fief relevant directement de Montlhéry et sur ceux de la Vallée, du Clos-Marchais, des Noyers et du bois d'Aunay relevant des Carneaux. Pour ce don il exigea seulement que la foi et l'hommage dus à cause de ces biens fussent à l'avenir portés à Sceaux, aux seigneurs de ce lieu. Ceux-ci transmettaient ensuite au roi toutes ces soumissions  féodales avec celles que devait la terre qu'ils habitaient. A partir de cette donation, la mouvance des fiefs des Carneaux et de Sceaux fut changée. Le premier, contrairement aux précédents, dépendit du second.

Après la mort d'Auguste Galland, le fief des Carneaux appartint à sa veuve Marie Delorme, puis à son fils Thomas Galland. Celui-ci le vendit en 1660 à Pierre Musnier, huissier, ordinaire du roi en ses conseils. Le 26 juillet 1670, Pierre Girardin, conseiller du roi et lieutenant civil de la ville et prévôté de Paris, en fit l'acquisition. Il s'en défit, le 18 mars 1676, en faveur de Nicolas Petit, valet de chambre ordinaire du roi. Celui-ci en rendit foi et hommage, le 14 avril 1682, à Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay, seigneur de Sceaux, suivant les termes de la donation entre vifs de 1625. Le fief des Carneaux passa dans la suite entre les mains des héritiers de Nicolas Petit et fut acquis avec ses dépendances par François-Jules Duvaucel, le 10 septembre 1738. Malgré cette acquisition, il ne fut jamais réuni au domaine de La Norville. Il resta fief indépendant et fut transmis par titres spéciaux aux différents seigneurs de ce lieu qui se succédèrent jusqu'en 1789.

Les de La Neufville, les de Joussier, les Lecop, les Croisille et leurs héritiers immédiats habitèrent le fief des Carneaux et en firent valoir les dépendances. Il n'en fut plus ainsi lorsque cette propriété fut acquise par les seigneurs de Sceaux. Ceux-ci ne conservèrent du fief des Carneaux que la mouvance et les droits féodaux. Ils en donnèrent à rente les bâtiments et les terres, puis les vendirent. C'est ainsi que maison, jardin et dépendances étaient, en l'année 1650, possédés par la famille Cornillier et, en l'année 1663, par Pierre Laigle, bourgeois de Paris. Celui-ci les vendit, le 11 novembre 1690, à Jean-Baptiste Chebarne, grand valet de pied de Louis XIV. Jean-Baptiste Chebarne et Claude Parmentier, son épouse, habitèrent le fief des Carneaux, alors nommé le Petit Château, jusqu'en 1721. En cette année, ils le cédèrent au marquis de Péry.

Le petit château comprenait alors deux corps de logis contigus, l'un grand, l'autre petit; le grand composé d'une cave, cuisine dessus, salle à côté, allée conduisant au jardin, escalier dans œuvre, deux chambres au premier étage à côté l'une de l'autre, une autre chambre au dessus, en galetas, et un grenier à côté; - le petit consistant en une chambre basse avec four, allée conduisant aussi au jardin, petit escalier dans cette allée, chambre haute et grenier dessus. En dehors de ces deux corps le logis étaient une petite grange, une écurie, une étable à vaches, un toit à porcs avec des greniers sur tous ces bâtiments, une grande cour ayant d'un côté un hangar ou remise et de l'autre côté un puits, une petite basse-cour, une autre grange neuve derrière les bâtiments, le tout couvert en tuiles. Un jardin clos de murs et planté d'arbres fruitiers allait du logis au cimetière de l'église. La propriété contenait en fonds de terre environ trois arpents et demi. Elle tenait d'une part au seigneur de La Norville, de l'autre à la grande rue du village, d'un bout au seigneur, à Jean Loin et à Henri Chevallier, d'autre bout au seigneuret au cimetière de La Norville.

Le marquis de Péry, le marquis de Simiane et le comte de Sabran possédèrent le fief des Carneaux en roture. Les seigneurs des La Norville n'en eurent les droits féodaux que par l'acquisition de François-Jules Duvaucel, en 1738.

De ce fief dépendaient, en 1789, 109 perches et demie de terre, en trois pièces, au champtier des Noyers, entre la garenne du Rossay, le sentier de la Messe et le chemin d'Arpajon à Leudeville, 26 deniers environ de censives à prendre des biens au même champtier et les arrière-fiefs du Clos-Marchais, de la Vallée, du bois d'Aunay et des Noyers.

Le fief du Clos-Marchais était près de Châtres et tenait à la Fontaine aux bourreaux. Le champtier en la censive de ce fief était compris entre le fossé creusé près la justice de Châtres longeant les terres de l'église de Linas et le chemin de Saint-Blaise. Il finissait en pointe au carrefour d'Egly et se trouvait borné d'un côté par les terres de Saint-Médéric et de l'autre par celles de la maladrerie de Châtres. En 1540, les propriétaires du champtier soumis au cens étaient : Thomas Boutet, lieutenant du bailli de Châtres; Jean Sallet, drapier; Pierre Poulain l'aîné, boucher; les héritiers Mathurin Salomon et les héritiers François Hersant.

Le fief de la Vallée était dans la ville de Châtres et consistait en une maison, cour, trois arpents de jardin et de saussaie donnant sur la rue Saint-Germain. En 1540, il était tenu par les héritiers d'Etienne Bisèle auquel il avait été baillé moyennant 50 sols tournois de rente et cens annuels et perpétuels payables au jour de la saint Martin d'hiver. Ils donnaient droits de lods, ventes, saisines et amendes au seigneur des Carneaux qui en devait l'hommage au seigneur de Bruyères-le-Châtel.

Le fief du bois d'Aunay était sur le territoire de Leuville, près Vallorge et les Joncs-Marins. Comme le fief de la Vallée, il mouvait en dernier ressort de Bruyères-le-Châtel. Il consistait en vingt-deux arpents environ de terres plantées en bois avant l'année 1540. Ces terres avaient été données à rente au seigneur de Vallorge qui devait payer chaque année au seigneur des Carneaux 22 sols parisis de cens et lui fournir trois poules de rente. En 1540, le fief du bois d'Aunay était entre les mains du sieur Douvert, seigneur des Marets.

Le fief des Noyers était sur le territoire de Châtres, auprès du chemin de Montlhéry à Bruyères-le-Châtel, et touchait aux bois de Sainte-Catherine du Val des Ecoliers-les-Paris en longeant la voie rouge. Il comprenait 40 arpents de bois taillis. En 1540, un différend s'éleva à propos de la mouvance de ce fief. Le seigneur de La Bretonnière en exigeait du seigneur des Carneaux la foi et l'hommage; le prévôt de Montlhéry, agissant au nom du roi, réclamait les mêmes devoirs. Après une courte résistance, le seigneur de La Bretonnière abandonna ses prétentions et le fief des Noyers avec celui des Carneaux fut rattaché à Montlhéry. Son revenu était estimé, en 1540, à 10 sols tournois l'arpent.

Au fief des Noyers appartenait un espace de logis couvert en chaume consistant en une chambre basse, petite cour et jardin sis à Châtres, rue Morand, tenant d'une part aux héritiers Louis Cornillier, de l'autre à Gilles Ravet, d'un bout à la rue d'autre bout aux murailles de la ville. Cette maison était chargée envers les seigneur des Noyers d'une rente annuelle de deux deniers parisis.

La Ferme des Religieuses de Villiers

Vers la fin du règne de Louis VIII, en l'année 1225, une abbaye de religieuses cisterciennes fut fondée dans un lieu appelé Villiers, près la Ferté-Aleps. Comblée de biens par saint Louis, cette abbaye arriva bientôt à un degré extraordinaire de prospérité. Quelques temps après sa fondation, en 1245, elle reçut en pure et perpétuelle aumône de Pétronille, une descendante de Renaud du Plessis, la dîme que cette dernière possédait à La Norville, mouvant en premier lieu de Guillaume de Ballainvilliers et en second lieu de Guillaume de Denonville et de Jean de Tigery. Vers la même époque, Agnès de Sainville et Guillaume son fils lui donnèrent  un hébergement ou manoir avec ses dépendances, 60 arpents de terre, 20 sols parisis de menus cens et une pièce de vigne au même lieu, sous la dépendance des mêmes seigneurs.

Les descendants de Pétronille de La Norville continuèrent à combler de leurs faveurs les abbesses et le couvent de Villiers. En 1254, Marguerite de la Borne, veuve de Réginald de Garancières, leur donna une dîme et, en 1257, Odeline, veuve de Guillaume de Denonville, les droits de Champart et de justice qu'elles avaient à La Norville.

Ces donation en amenèrent d'autres. En 1254, Pierre de Corfou, bourgeois de Châtres, et Béatrix, sa femme, cédèrent aux religieuses une pièce de terre à la Rosière; en 1258, Nicolas Aveline leur légua, au moment de la prise d'habit de sa fille dans l'ordre de Cîteaux, deux arpents de terre à Mondonville; Eremburge, fille de Gilles Baillif, étant entrée à l'abbaye de Lys, près Melun, leur donna deux arpents de terre; Jeanne et Pernelle de Denonville, religieuses de Cîteaux, portèrent à la maison de Villiers leurs biens et 50 sols parisis de rente seigneuriale, payable seulement leur vie durant.

Ces libéralités des habitants et des seigneurs de La Norville ayant mis les religieuses de Villiers en possession de biens considérables dans cette paroisse, celles-ci cherchèrent au XIVe siècle à les augmenter encore. En 1317, elles achetèrent à Jean, prévôt d'Etrechy, écuyer, un arpent et demi de terre près le chemin de Leudeville; en 1308, cinq arpents auprès du chemin de Marolles; en 1320, une droiture, une dîme avec les cens et corvées qui en dépendaient. En 1331, elles acquirent de Jean Bouvier un demi-arpent de terre, et en 1336, de Denisot Mignot, une quarte de Vigne.

Avant la guerre de Cent Ans, ces religieuses, par suite de dons et d'achats, possédaient ainsi à La Norville : un manoir, trois dîmes, une droiture, un droit de champart, un droit de justice, 20 sols parisis de censives, environ 100 arpents de terre et deux pièces de vigne en différents champtiers. Leur manoir était bâti près de la maison seigneuriale de Jean le Breton, devant le fief des Carneaux, le chemin de La Norville entre deux, dans la partie du potager actuel qui se trouve vis-à-vis du petit château.

Après la guerre de Cent Ans et les troubles intérieurs, l'abbaye de Villiers trouva ses biens de La Norville dans le plus grand abandon. Le manoir composé jadis d'une maison d'habitation, de granges et d'étables, était en ruines; les vignes et le jardin qui l'entouraient étaient en friches, et de fait en non-valeur; les terres, les prés, les aunaies et autres biens étaient pareillement en ruines, friches et désolation, excepté les cinq arpents de prés sis à Châtres. L'abbesse Marie de Bourges, reconnaissant l'impuissance de sa communauté en présence d'un pareil état de choses, afferma tous ces biens, le 4 février 1456, à Pierre Hersant, de La Norville. Elle fit, avec ce laboureur, un bail emphytéotique(b) à trois vies, pour lui, ses enfants et petits-enfants jusqu'au dernier survivant, moyennant la somme de 32 sols parisis et quatre septiers de blé froment de loyer annuel, payables à Châtres, au jour de la saint Martin d'hiver. Pierre Hersant et Alizon, sa femme étaient de plus autorisés par ce bail, à construire sur l'emplacement de l'ancien manoir une maison et une grange, à toucher à leur profit la moitié des cens, champarts, droitures et rentes, et l'autre moitié au profit des religieuses de l'abbaye.

L'abbesse de Villiers se réservait le droit de justice concédé par Odeline, veuve de Guillaume de Denonville. Elle établit un maire à La Norville, qui avait le droit de condamner à l'amende jusqu'à 60 sols parisis. En 1470, il se nommait Jean Bizeau. Les religieuses de Villiers, sous les de Lignières et sous les de Beaujeu, seigneurs de La Bretonnière, avaient joui paisiblement de ce droit. Sous Pierre Leprince, les choses changèrent de face. En 1475, ce seigneur attaqua devant le bailli de Châtres le maire de l'abbaye, Jean Bizeau, en cette année, avait cité devant son tribunal un berger dont les moutons avaient fait quelques dégâts dans les blés encore verts. Pierre Leprince lui intima l'ordre de cesser ses poursuites. Jean Bizeau résista, et la cause fut portée devant le bailli de Châtres. Une sentence de ce dernier déclara les religieuses mal fondées dans leurs prétentions, et Jean Bizeau quitta sa mairie. L'abbesse de Villiers ne se tint pas pour battue. En 1478, elle obtint du prévôt de Montlhéry une sentence en faveur de ses droits. En 1480, le bailli de Châtres rendit une sentence contraire à celle de 1475. Agissant au nom de l'amiral de Graville, il reconnut explicitement aux religieuses le droit de moyenne et basse justice à La Norville. En 1483, le prévôt de Montlhéry donna encore un avis dans le même sens, malgré l'opposition du seigneur de La Bretonnière. Il fut cependant impossible aux religieuses d'obtenir gain de cause contre Pierre Leprince. Celui-ci, mettant en avant les lettres patentes de Louis XI, datées du mois de novembre 1477, qui lui accordaient les trois degrés de justice sur les terres de La Bretonnière, La Norville, La Briche et Guillerville, fit, malgré toutes les sentences des prévôts et des baillis, fermer le tribunal de l'abbaye et destituer son maire.

Privées ainsi de leur droit de justice, les religieuses de Villiers le furent encore de leur droit de dîme. Bien plus, elles ne purent soustraire leurs propres biens à cette redevance prélevée à La Norville par le chapitre de Notre-Dame de Paris. Elles perdirent ce droit de dîme en ne faisant plus valoir par elles-mêmes les biens auxquels il était attaché. Pierre Hersant qui les possédait, se soumit en outre pendant plus de quarante années au dîmage des chanoines. Ceux-ci acquirent ainsi un droit par prescription, et, lorsqu'en 1730 les religieuses voulurent protester, il était trop tard. Leur demande d'exemption fut repoussée de ce chef par la chambre des requêtes.

Le bail emphytéotique(b) fait en 1456 par l'abbesse Marie de Bourges faillit encore avoir de plus tristes conséquences. Le dernier des petits-enfants de Pierre Hersant étant mort vers 1575, les religieuses de Villiers voulurent se remettre en possession de leur domaine. Pour obtenir ce résultat, elles durent surmonter de grandes difficultés. La famille Hersant avait considéré les biens loués en 1456 comme sa propriété. Elle se les était partagés, avait arraché les bornes des champs, en avait planté d'autres, quelques terres avaient été vendues, les héritiers ou ayants cause ne voulaient faire aucune restitution. L'abbaye s'adressa aux tribunaux. Après quelques instances, plusieurs membres de la famille : Jean Crosnier, Jean Groslon et Didier Hersant se décidèrent, en 1578, à rendre ce qu'ils détenaient. Les autres persévérèrent dans leur refus.

Le 24 septembre 1595, le prévôt de Paris ordonna une enquête sur les lieux, afin de recueillir sur les anciennes propriétés des religieuses les déclarations des habitants. Le 25 octobre suivant, Cordet, sergent royal à la Ferté-Aleps, muni de la commission du prévôt et accompagné de Gilles de Mornay, prêtre, receveur et procureur de l'abbaye, de Robert Maréchal, procureur au bailliage de Châtres, de Jean Crosnier, laboureur, demeurant à Leuville, et de Jean Jouffroy, demeurant à Montmireau, se rendit à cet effet à La Norville. Il n'y fut pas bien reçu, comme on en pourra juger par la narration suivante tirée d'un procès-verbal de l'époque :

Moi, Cordet, sergent royal à la Ferté-Aleps, me rendais en compagnie de vénérable et discrète personne messire Gilles de Mornay, prêtre, maître Robert Maréchal, Jean Crosnier et Jean Jouffroy au lieu de La Norville, pour être à l'heure de huit heures devant la grande porte de l'église dudit lieu, lorsque sont intervenus Charles Leprince, seigneur de La Bretonnière, et un appelé Dolet, son beau-frère, montés ledit seigneur de La Bretonnière sur un roussin grison pommelé, et ledit Dolet sur un cheval boyart, lesquels de courage mal mus sont, à course de leurs chevaux, accourus vers lesdits de Mornay, moi, Crosnier, Maréchal et Jouffray, ayant mis leur épée au point et disant :" Voici nos voleurs." Ce que voyant, moi, les dits de Mornay, Maréchal et Jouffroy, nous en sommes courus et fuis jusqu'à Châtres,où voyant que nous étions sauvés, et eux, ne pouvant exécuter sur nous leurs mauvaises volontés, parce que l'on avait fermé la porte de la ville, s'en retournèrent sur ledit Crosnier, pauvre homme âgé de quatre-vingts ans, qui ne pouvait fuir, auquel le seigneur de La Bretonnière donna plusieurs coups de bâton sur les bras et autres parties de son corps, à l'occasion des quels coups ledit Crosnier chut et tomba par terre et, non content de ce, ledit seigneur de La Bretonnière tira son épée et voulant tuer ledit Crosnier, lui présenta la pointe dedans l'estomac. Ledit Crosnier; ayant mis la main droite devant, fut, blessé par ladite épée. Incontinent après, ledit seigneur de La Bretonnière et sieur Dolet vinrent jusqu'à la ville de Châtres,où, étant, le dit Dolet vint au logis de Maréchal lui dire qu'il vint parler au seigneur de La Bretonnière , étant, pour lors devant le carrefour de Châtres. Ledit Maréchal étant allé parler au seigneur de La Bretonnière, celui-ci tint ces propos : " Mordieu, qui te fait si hardi d'aller sur mes terres, et de mener ceux-là avec toi? Par le sang Dieu, je t'aurai et tu te repentiras. Si je trouve là toi ou d'autres, je te ferai courir grand fortune; " et, un bâton à la main, il menaçait Ledit Maréchal. Au Moyen de quoi et à l'occasion que dessus, je ne pus procéder à l'exécution dudict appointement et remis ladite vue à quinzaine venant le 9 novembre 1595.

A cette date, l'abbesse de Villiers, Jeanne de la Trémouille et trois religieuses, Gilles de Mornay, Robert Maréchal et le sergent Cordet vinrent à La Norville. Charles Leprince, devenu plus calme, ou rendu plus craintif par la présence de l'abbesse, ne parut pas, et les représentants de l'abbaye purent accomplir leur mission sans obstacles. Malgré les dépositions des habitants, malgré la visite de l'ancien manoir et des terrains, le procès engagé devant la Chambre des Requêtes n'aboutissait pas. La famille Hersant, encouragée par le seigneur de La Bretonnière, qui aurait voulu mettre les propriétés de l'abbaye en sa censive, résistait toujours. Une sentence définitive fut enfin rendue en l'année 1602. Au mois de mars de cette année, le prévôt de Paris envoya l'abbaye en possession de ses biens, et, le 15 janvier 1603, frère Guillaume Sabatier, père confesseur des religieuses, vint au nom de la communauté faire acte de propriété en entrant sur les terres, en nettoyant lui-même les chemins ou les sentiers qui les traversaient, en y ramassant des pierres et en y cueillant de l'herbe.

En présence du sergent Cordet et de plusieurs autres témoins, il reçut ensuite de François Hersant : un arpent six perches de terre à la Saussaie; deux arpents à la Spée, un arpent et demi à la Grande-Pièce; deux arpents soixante-quinze perches au fossé de la Spée et un arpent et demi à la Rosière;

Les héritiers Yon Hersant : un arpent et demi à la Rosière; trois quartiers et demi à la Chardonnière et trois quartiers de vigne aux Areines;

De Louis Cornillier : deux arpents et demi à la Chardonnière;

Des héritiers d'Etiennette Hersant : trois quartiers près la pièce de la Cerisaie, et un arpent et demi au fossé de la Spée;

De Gabriel Pournin : deux arpents et demi, d'une part, et deux tiers d'arpent, d'autre part, à la Grande-Pièce; un demi arpent à la Rosière et trois arpents un quart aux fossés;

De Jacques Yvon : un quartier de vigne à la fontaine;

De Guillaume Lanson : trois quartiers au Chef-de-Ville et un arpent à la Rosière;

De Jean Prunier : un demi-arpent à la Cerisaie et un demi-arpent à la Grande-Pièce;

De Jean Blondeau : un arpent et demi à la Spée, trois quartiers au Chef-de-Ville et trois quartiers de vigne à la Fontaine-Saint-Denis;

De Jean Chevrier : cinq quartes de vigne aux Areines;

De Michel Badeau : sept quartiers à la Chardonnière, vingt perches à la Grande-Pièce, trois quartiers au Chef-de-Ville, un demi-arpent et une quarte et demie de vigne à la Fontaine;

De Jean Fontaine : un quartier à la Cerisaie, un demi-arpent à la Spée, un quartier et demi à la Grande-Pièce, et dix perches de vigne à la Fontaine;

De Simon Royauton : deux arpents et demi à la Grande-Pièce;

De la veuve Louis Hersant : un quartier à la Cerisaie, trois quartiers au Fossé de la Spée et un demi-arpent à la Rosière;

De la veuve Denis Hersant : trois quartiers à la Grande-Pièce et trois quartiers au Chef-de-Ville;

De Denis Brulé : un demi-quartier à la Spée, un quartier et demi à la Grande-Pièce;

De Jean Chevrier : un arpent à la Cerisaie.

Les tribunaux et les remords firent encore restituer quelques années plus tard d'autres pièces de terre aux religieuses de Villiers. Le 8 avril 1622, une sentence du Châtelet de Paris condamna un nommé Salomon Richard à leur rendre trois arpents de terre de bonne valeur, ou bien à leur payer le prix au dire d'experts. Le 26 novembre 1625, Catherine Nynan, épouse de Christophe Baguereau, prévôt de Montlhéry, pour la décharge de sa conscience et ne voulant rien retenir du bien d'autrui, encore moins de celui de l'église, renonça en faveur des abbesses et religieuses de Villiers à la possession de deux arpents de terre au terroir de La Norville, lieu dit les Friches, qui lui étaient venus de la succession de ses parents.

Après la mise en possession de 1603, l'abbesse de Villiers, Oudette Closse, loua ses terres de La Norville, neuf années consécutives à Robert Maréchal, notaire royal à Châtres, moyennant une redevance annuelle de cinq boisseaux de blé par arpent, mesure de Villiers, et une somme de cinquante livres tournois. Dans la suite, ces terres furent baillées à différents fermiers pour des sommes qui varièrent suivant les temps.

L'abbaye s'était réservé l'emplacement de l'ancien manoir. Au mois d'octobre 1645, elle le donna moyennant deux sols parisis de chef cens, 10 livres tournois et deux chapons de surcens et rente seigneuriale à Pierre Delton, laboureur, demeurant à Châtres, avec réserve expresse de pouvoir le remettre en sa possession à chaque mutation. En l'année 1650, du consentement de Pierre Delton, l'abbaye reprit cet emplacement et le vendit avec une pièce de terre de deux arpents et demi environ entourant l'ancien manoir et tenant, d'une part, à Mathurin Prunier, une ruelle entre deux, d'un bout, à la rue de La Norville, et, d'autre bout, à une pièce de dix arpents appartenant à l'abbaye et à des terres appartenant à l'église de La Norville, à Louis Cornillier, marchand, bourgeois de Paris, moyennant la cession de 18 livres 15 sols de rente annuelle, rachetable de la somme de 300 livres, à prendre sur la succession de messire Martin de Mornay, en son vivant curé de Cerny, 2 sols parisis de chef cens et dix livres parisis de surcens payables chaque année, à perpétuité, le jour de la saint Martin d'hiver. Dans cet acte, les religieuses se réservaient encore le droit de rentrer en possession de ces biens à chaque mutation en remboursant à l'acquéreur ou à ses ayants cause les dépenses faites sur cette propriété. Le 17 juin 1662, les religieuses abandonnèrent cette réserve moyennant la somme de 200 livres, qui leur fut versée par les héritiers de Louis Cornillier.

L'emplacement du manoir de l'abbaye de Villiers fut cédé par la famille Cornillier à Pierre Laigle. Ce dernier le vendit, en 1690, à Jean-Baptiste Chebarne, officier du roi, qui lui-même le céda, en 1721, au marquis de Péry. Depuis cette époque, cette portion de terre, réunie au potager du château par Jules-Nicolas Duvaucel, fut possédée par les seigneurs de La Norville, qui payèrent chaque année, jusqu'en 1792, à l'abbaye de Villiers, 2 sols parisis de chef cens et dix livres parisis de surcens, suivant la convention de 1650.

A l'époque de la Révolution française, les biens de l'abbaye de Villiers étaient loués par les sieurs Joiteau et Marchand, d'Arpajon, pour la somme de 2,600 livres. Ils comprenaient 113 arpents 80 perches de terre en 16 pièces sur les territoire de La Norville, d'Avrainville et d'Arpajon. Déclarés biens nationaux, ils furent vendus le 17 février 1791, et achetés en totalité par un nommé Goiy, premier commis des finances, demeurant à Paris, pour la somme de 95,000 livres(2).

(1) Voir pièces justificatives, n°29, n°30 & n°31.
(2) Les renseignements concernant les possessions de l'abbaye de Villiers ont tous été tirés des archives départementales. Voir pièces justificatives du n° 10 au n° 16.

(a) (sic) Sans doute : Pologne
(b) Se dit d'un bail à longue durée.

(M.A.J. 28/07/2001)

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