CHAPITRE VII

Sommaire

Jean-Baptiste Choderlot de La Clos - Erection de la seigneurie de La Norville en châtellenie. - Le marquis de Péry.

Le 8 janvier 1682, Jean-Baptiste Choderlot de La Clos, valet de chambre ordinaire du roi et trésorier des guerres de la Franche-Comté, devint, après Jacques Mercier, seigneur de La Norville. Ses fonctions l'empêchèrent de prendre immédiatement possession de son domaine. Le 15 du même mois, il afferma pour trois années consécutives, moyennant 1,500 livres par an, à Antoine Savary, bourgeois de Paris, l'ancien château de Josias Mercier, la basse-cour, les terres, près, vignes, bois, greffe, pressoir, rentes foncières et seigneuriales et tous les autres droits qui lui appartenaient à La Norville. Il n'en remplit pas moins ses devoirs de seigneur. Le 12 mars 1682, il rendit foi et hommage au roi et, le 14 septembre, après avoir obtenu de la chancellerie du Palais des lettres à terrier, il convoqua ses vassaux des paroisses de La Norville, de Saint-Germain, de Châtres, d'Avrainville, de Guibeville et de Marolles à l'effet de passer par-devant Laurent Boullé, son notaire, de nouvelles déclarations de leurs terres en censive par tenants et aboutissants avec les noms des champtiers alors existants. Au nombre des principaux censitaires qui se présentèrent alors furent : Nicolas Petit, écuyer, conseiller du roi, propriétaire de la Gallanderie; le sieur Jean Duchastelet, conseiller du roi en son grand conseil; Pierre Boutet, seigneur de Marivatz; Antoine Paré, prêtre, demeurant à Paris, au nom et comme curateur de la personne et des biens de Jeanne Delavau, veuve de Georges Joubert, en son vivant capitaine des galères, propriétaire de la ferme de Mondonville; Jean Dufour, chanoine de l'église collégiale du Saint-Sépulcre, à Paris; les chanoines de Linas; les religieuses de Saint-Eutrope et le trésorier de la fabrique de Montlhéry.

Lorsque le bail consenti à Antoine Savary eut pris fin, Jean-Baptiste Choderlot de La Clos vint habiter sa seigneurie mais auparavant il avait obtenu du roi Louis XIV, à la personne duquel il était attaché, plusieurs faveurs signalées.

Au moment où les seigneuries changeaient de maître, les acquéreurs ou les héritiers devaient payer au suzerain ou au roi, lorsqu'elles dépendaient immédiatement de la Couronne, un certain nombre de redevances connues sous les noms de droits de quint et de requint, de lods et ventes, de rétention par prolation, etc... Les sommes provenant de ces droits étaient parfois considérables. Dans différentes circonstances, les rois, pour récompenser quelques-uns de leurs serviteurs, leur accordaient par brevet la perception de ces revenus qui n'entraient pas ainsi dans le trésor royal. Le sieur Horcholles de Vallefonds avait  obtenu des lettres patentes qui lui concédaient le bénéfice du quint et du requint à l'occasion de la vente de la seigneurie de La Norville. Ces lettres patentes furent supprimées par arrêt du conseil d'état, et les droits primitivement accordés au sieur de Vallefonds données au frère du seigneur de La Gallanderie, Edme Petit, commissaire d'artillerie. Celui-ci étant mort sans avoir perçu l'impôt du quint. Le roi Louis XIV, le 11 août 1682, en fit la remise à Jean-Baptiste Choderlot de La Clos, par un arrêt du conseil d'Etat, signé : Le Tellier. Le seigneur de La Norville, par la manificence du roi, bénéficia ainsi d'une somme de 5,333 livres 6 sols 8 deniers.

Au mois de février 1685, le même souverain, sur la demande de Jean-Baptiste Choderlot de La Clos, éleva la seigneurie de La Norville au rang de châtellenie, par lettres patentes, enregistrées au parlement le 17 avril suivant dont le texte suit :

Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous, présents et à venir, salut :

Notre amé(a) Jean-Baptiste Choderlot de La Clos, l'un de nos valets de chambre ordinaires, écuyer, seigneur du fief de La Norville, ses appartenances et dépendances, nous a fait remontrer que sa ditte terre de La Norville est un fort ancien fief composé d'une grande paroisse, d'un nombre considérables d'habitants, de plusieurs fiefs qui en relèvent, de censives et autres droits seigneuriaux et féodaux, et d'un beau château et domaine relevant seulement de nous à cause de notre comté de Montlhéry, qu'il jouit même par concession des roys nos prédécesseurs dès l'an 1477 de tous droits de haute, moyenne et basse justice, et désirerait pour plus de décoration de la ditte seigneurie de La Norville qu'il nous plut d'y joindre le titre de chastellenie nous suppliant très humblement le luy octroyer, à quoy inclinant favorablement et pour marquer notre satisfaction des bons et agréables services que nous a rendus et nous rend depuis longtemps le dit exposant, de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, nous avons par ces présentes signées de notre main créé, érigé, décoré et élevé, créons, érigeons, décorons et élevons la ditte terre et fief de La Norville et ses appartenances en titre, nom et dignité de chastellenie pour en jouir par le dit sieur de La Clos, ses successeurs et ayant cause au dit titre, nom et qualité, voulons qu'en tous actes, soit en jugement ou hors jugement ils s'en puissent dire et qualifier seigneurs chastelains, jouir de tous les honneurs, prérogatives et prééminences qui ont accoutumé d'appartenir aux autres chastelains de notre royaume quoiqu'ils ne soient ici spécifiés, qu'ils soient pour tels reconnus par leurs vassaux tenants noblement ou en roture qui feront leur foy et hommage, bailleront leurs aveux, dénombrements et déclarations sous le dit nom et qualité de chastelain, sans toutes fois qu'ils soient tenus à plus grands droits que ceux qu'ils doivent à présent. Nous avons aussi de nos mêmes grâce, puissance et autorité royale permis, permettons au dit seigneur de La Norville d'établir et faire construire, si déjà fait n'a été, prisons et fourches patibulaires à trois piliers au lieu qu'il jugera plus à propos dans l'étendue de sa dite terre pour marquer de ses dites justices et chastellenie de la quelle ressortiront les appellations ainsi qu'auparavant de notre Châtelet de Paris, pour la ditte justice être exercée par un juge chastelain, lieutenant, procureur fiscal, greffier et autres officiers tels qu'appartient à seigneur chastelain et à haut justicier, qui intituleront leurs sentences et jugements de la dite qualité de juge chastelain, sans préjudice des cas royaux et à la charge que la ditte chastellenie relèvera comme ci-devant à une seule foy et hommage de Nous à cause de notre ci-devant comté de Montlhéry, aux droits et devoirs portés par la coutume. Et, en considération du zèle et de l'affection dont le dit sieur de La Clos nous donne encore de nouvelles preuves par la fondation que nous apprenons qu'il a faite à perpétuité pour dire et célébrer en l'église et paroisse de La Norville le vingt cinquième août, jour et fête de Saint Louis, le jour de Notre-Dame en septembre et plusieurs autres jours de l'année, un Salut, prières publiques pour Nous et notre royale famille, et que cette dévotion attirera un grand concours de peuple de tous les lieux circonvoisins, Nous avons établi et créé, créons et établissons en la ditte chastellenie de La Norville. Le lendemain de la Notre-Dame, au mois de septembre, une foire à laquelle nous voulons que tous marchands puissent aller, séjourner et retourner, vendre, acheter et débiter toutes sortes de marchandises licites, permises, sous la liberté ordinaire des autres foires, à condition qu'à quatre lieues aux environs il n'y ait déjà autre foire établie à même jour et qu'échéant à jour de Dimanche ou de fête solennelle, elle sera remise au jour suivant. Permettons au dit sieur chastelain de La Norville de faire bâtir balles, bancs et estaux pour la commodité et sûreté des marchands et de leurs marchandises, et en percevoir les droits pour ce dus sans néanmoins prétendre aucune exemption préjudiciable à nos droits.

Mandons à nos armées et féaux conseillers les gens tenant notre Cour de Parlement à Paris à tous autres nos officiers qu'il appartiendra que ces présentes ils fassent enregistrer, lire, publier où besoin sera et de leur contenu jouir et user le dit exposant, ses successeurs et ayant cause pleinement, paisiblement, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchements contraires; car tel est notre plaisir, et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours nous avons fait mettre notre scel à ces dites présentes, sauf en autres choses notre droit et l'autrui en toutes. Donné à Versailles, au mois de février, l'an de grâce 1685 et de notre règne le 42e.

Par le roy : COLBERT

Jean-Baptiste Choderlot de la Clos n'usa pas de tous les privilèges qui lui ainsi accordés. Il prit dans les actes publics et particuliers le titre de seigneur châtelain, mais il se contenta de cet honneur. Il n'y a pas d'apparence qu'il ait fait élever des fourches patibulaires. Un pavillon du château fut seulement converti en prison pour les malfaiteurs arrêtés sur le territoire de la haute justice. La foire de la Notre-Dame de septembre n'a jamais dû être tenue.

Au mois de novembre 1687, le roi Louis XIV octroya une nouvelle faveur à Jean-Baptiste Choderlot de La Clos. Par brevet signé Louis, contresigné Colbert et enregistré au greffe du Trésor au palais le 3 décembre de la même année, il reçut en don tous les biens meubles et immeubles ayant appartenu à une nommée Perrone Francard, échus au roi par droit de bâtardise et de déshérence. A cette date, le seigneur de La Norville était conseiller, secrétaire du roi, maison, couronne de France et de ses finances(1).

Il avait cherché de tout son pouvoir à embellir sa propriété et à augmenter ses domaines. Pour dégager les abords du château, il avait acheté et détruit plusieurs maisons qui lui faisaient face sur le terrain appelé aujourd'hui la Pâture, obtenu de la fabrique de La Norville quelques perches de l'ancien cimetière autour de l'église. Aux champtiers des Graviers et de la fontaine Saint-Denis, au bas du parc du côté de Châtres, il s'était rendu acquéreur de 7 arpents de vigne et les avait fait enclore dans sa propriété. Au Rossay, pour augmenter sa garenne, il avait acheté environ 3 arpents de terre et 3 quartiers au Manuel. Les biens de Jean Boutet, seigneur de Marivatz, ayant été saisis et vendus à la requête de Jean de La Guillaumie, secrétaire et conseiller du roi, Jean-Baptiste Choderlot de La Clos et Nicolas Petit, écuyer, valet de chambre du roi et seigneur de La Gallanderie, les achetèrent en totalité pour la somme de 45,000 livres. le seigneur de La Norville eut pour sa part 53 arpents de terres en divers territoires et paroisses avec la ferme située dans l'angle formé par la rue de La Norville et le chemin Pasquot. Cette ferme, en 1607, appartenait à Alain Boutet, marchand à Châtres, avec une pièce de 3 arpents y attenant et un certain nombre de dépendances. Pour l'agrandir, Jean-Baptiste Choderlot de La Clos acheta encore deux maisons et 7 arpents de terre. La seigneurie de Marivatz échut à Nicolas Petit, qui ajouta ce titre à ceux qu'il possédait déjà. Le seigneur de La Norville se rendit encore acquéreur de 42 arpents de terres, en grande partie sur les territoires d'Avrainville et de Breuillet, provenant des biens de Marguerite Lebout, veuve de Pierre Delassus, saisis à la requête de Me Henri Rosey, conseiller en la cour du Parlement de Metz. Aussi, à sa mort, arrivée vers 1698, avait-il considérablement augmenté le domaine qu'il avait acquis de Madeleine Mercier. Il possédait, en dehors du château et de ses dépendances, 215 arpents de terre environ, le pressoir, la ferme et trois maisons.

De son mariage avec Marie-Auguste Lebeau, il avait eu plusieurs enfants:
- François-Charles, décédé sans postérité à l'âge de 23 ans, le 9 août 1703;
- Jean-Baptiste, décédé le 27 juillet 1690, âgé de 2 ans ;
- Françoise-Athémaïse, qui épousa Jean-Baptiste, marquis de Péry;
- Marie-Basile, qui devint religieuse au couvent de Saint-Eutrope; elle fit profession au mois de janvier 1701 et, du consentement de sa mère, de son frère et de ses sœurs, reçut alors sa part de l'héritage paternel, c'est-à-dire 8,500 livres pour les frais de sa profession et 300 livres de rente viagère;
- Nicole-Charlotte, mariée le 31 décembre 1715, à Michel Toutain de Fontenelles, chevalier, seigneur de Varennes, colonel de dragons ;
- Anne-Marie-Victoire, qui vécut dans le célibat.

Les armes de Jean-Baptiste Choderlot de La Clos passées en sautoir accompagnées de quatre flammes de gueules, au chef d'azur semé de billettes d'or.

La famille de La Clos se fit remarquer à La Norville par sa grande piété et sa grande charité.

Jean-Baptiste Choderlot de La Clos, son épouse, son fils et ses filles ne dédaignaient pas de se mêler aux habitants de la seigneurie pour prendre part à leurs peines et à leurs joies. Ils tinrent sur les fonts baptismaux presque tous les enfants de leurs serviteurs, signèrent comme témoin un grand nombre d'actes de mariage et l'inhumation; Mme de La Clos assista à l'ondoiement fait à domicile de plusieurs enfants en danger de mort. Les de La Clos étaient alliés aux de Nesme, aux d'Amblément, aux de Marivaux, aux de Brémont, aux de Chauvigny, aux de Barbézieux, etc....

Après la mort de Jean-Baptiste Choderlot de La Clos, la seigneurie de La Norville fut administrée par sa veuve Marie-Auguste Lebeau jusqu'en l'année 1702. A cette date, les enfants du  défunt reconnaissant que le partage de la succession paternelle était impossible à cause du nombre des copartageants, résolurent de procéder à la vente du domaine. Cette vente eut lieu le 17 avril 1702. Pour la somme de 120,000 livres, la terre et seigneurie châtellenie de La Norville fut adjugée à Jean-Baptiste Cauvin, seigneur de Villiers. Mais, dix jours après, Jean-Baptiste, marquis de Péry, usant des droits que lui conférait la coutume, demanda le retrait lignager de la vente par proximité de lignage. Il fut alors substitué au seigneur de Villiers, et, prenant la vente à son profit aux conditions acceptées par le premier acquéreur, il devint seigneur de La Norville.

Le marquis de Péry fut un grand homme de guerre. Ses états de service sont des plus brillants et des plus honorables. Né en Corse, en l'année 1647, il était à vingt-sept ans, le 12 juin 1674, capitaine d'un régiment d'infanterie indigène levé par son père. Il servit en Sicile avec sa compagnie jusqu'au mois de mars 1678. En cette année il entra au service de la France. Son régiment corse, ayant été licencié par ordre du 10 avril 1682, il fut incorporé avec sa compagnie dans le régiment Royal-Roussillon. Avec ce régiment, il combattit à Valcour, dans les Pays-Bas, sous le maréchal de Humières, au mois d'août 1689; à Fleurus, sous le maréchal de Luxembourg, le 1er juillet 1690. Colonel d'un régiment d'infanterie étrangère qu'il leva par commission du 26 septembre 1690, il servit sous le commandement du roi au siège de Mons en 1691; au siège et à la prise de Namur, au combat de Steinkerque et au bombardement de Charleroi, sous le marquis de Boufflers, en 1692. En 1693, il était au siège de Huy sous le maréchal de Villeroi; à la bataille de Nerwinde sous le maréchal de Luxembourg; au siège et à la prise de Charleroi sous Vauban. Il servit à l'armée de Flandre dans les années 1694, 1695 et 1696, et à l'armée de la Lys qui fit le siège d'Ath, sous le maréchal de Catinat, en 1697. Il était à l'armée d'Allemagne en 1701. Chevalier de Saint-Louis et créé brigadier par brevet du 29 janvier 1702, il servit encore en Allemagne sous le maréchal de Catinat. Il passa l'année 1703 en Bavière sous le maréchal de Villars et eut part à toutes les expéditions de ce général. En 1704, il était à la même armée sous le maréchal de Marchin. Il combattit à Hochtett et obtint le grade de maréchal de camp par brevet du 26 octobre de cette année. En 1705, il fut à l'armée du Rhin sous le même général, puis sous le maréchal de Villars après la jonction des deux corps, au mois de juillet.

Chargé au mois d'octobre de défendre la ville de Haguenau, il fut assiégé dans cette place par le comte de Thungen; général au service du prince de Bâle. Il tint vigoureusement durant sept jours de tranchée, tuant aux ennemis environ 1,500 hommes; mais, n'étant plus en état de se défendre dans la ville ruinée, comme les Allemands se préparaient à l'assaut, il demanda une capitulation honorable. On la lui refusa. Il résolut alors de s'échapper pendant la nuit avec sa garnison. Dans ce but, il sortit silencieusement avec ses troupes du côté le moins gardé par le comte de Thungen, emmenant à bras deux pièces de canon. Il échappa aux grands gardes et se jeta avec autant de diligence que d'adresse dans les bois qui avoisinaient la place. Après avoir marché toute la nuit en se dissimulant, il s'arrêta, le jour venu, dans les forêts sans avoir donné l'éveil à personne. Il suivit cette tactique pendant plusieurs jours et finit enfin par rejoindre à Saverne l'armée du maréchal de Villars avec ses deux canons, sans avoir perdu dix hommes. Les habitants de Haguenau ignoraient le départ des troupes. Lorsque le jour fut venu, grande fut leur surprise en ne trouvant plus la garnison. Ils rendirent la place au comte de Thungen et, comme de part et d'autre on ignorait ce qu'étaient devenus les soldats du marquis de Péry, le bruit se répandit dans la ville et dans l'armée allemande que le diable les avait emportés. La vérité du fait étant arrivée aux oreilles de Louis XIV, ce prince fit le marquis de Péry lieutenant général de ses armées, le 22 octobre, et lui donna les deux pièces de canon qu'il avait emmenées de Haguenau. Ces pièces de canon restèrent au château de La Norville tant que le marquis vécut. A sa mort, arrivée en 1721, sa veuve s'en défit.

Au mois de mai de l'année 1706, le maréchal de Villars, ayant repoussé le prince de Bade, détacha le marquis de Péry pour faire le siège de la ville de Haguenau, qu'il avait si bien défendue l'année précédente. La garnison était composée de cinq bataillons de Saxons. Après neuf jours de siège, la marquis de Péry prit la ville. Les 2,500 hommes qui la défendaient furent faits prisonniers. On trouva dans Haguenau beaucoup de munitions de guerre et de bouche que le prince de Bade y avait mises dans le dessein de faire le siège de Phalsbourg. Cette conquête ne coûta que 500 hommes tués ou blessés. Après la prise de Haguenau, le marquis de Péry alla camper à Spire, d'où il mit le Palatinat à contribution. Le maréchal de Villars avait reçu l'ordre au commencement de la campagne de faire lever le siège de Fort-Louis. Il réussit à débloquer cette place; mais, pour la conserver, il était nécessaire de se rendre maître de l'île du Marquisat. Cette île, en effet, située vis-à-vis de Fort-Louis, n'était séparée de la place que par un bras du Rhin. L'entreprise présentait de grandes difficultés. Il fallait agir par surprise, avec mille précautions. Le marquis de Péry, à la tête d'une troupe de grenadiers, fut chargé de frapper le coup décisif. Tout réussit à souhait. Le 20 juillet 1706, l'île fut prise. Les Français perdirent une centaine de grenadiers, les ennemis laissèrent cinq cents morts sur la place.

La prise de l'île du Marquisat fit concevoir au maréchal de Villars le projet de s'emparer des lignes de Bihel ou de Stolhoffen, regardées comme le rempart de l'Allemagne. Au mois de mai de l'année 1707, le maréchal mit son projet à exécution. Le marquis de Péry, à son attaque, força les retranchements ennemis avec sa division. Les autres généraux imitèrent son exemple et ces lignes formidables tombèrent en notre pouvoir. On y trouva 166 pièces de canon, des boulets et de la poudre à proportion, 40,000 sacs de blé et de farine, 45,000 sacs d'avoine, une quantité considérable de fourrages, un pont de bateaux en entier, plusieurs bateaux et pontons en cuivre.

Employé en Alsace pendant l'hiver, par ordre du 31 octobre, le marquis de Péry fit attaquer et enlever un convoi considérable de munitions de guerre et de bouche que les ennemis faisaient passer à Philipsbourg. Il servit encore à l'armée d'Allemagne sous le maréchal de Berwick en 1708, 1710, 1711, 1712 ; sous les maréchaux de Villars et de Besons en 1713. Il concourut à la défaite du général Vaubonne, à la prise de Landau et à celle de Fribourg. On s'empara de cette ville au mois de novembre. Ce siège fut en Allemagne le dernier fait d'armes du règne de Louis XIV. Pendant l'hiver de 1713, le marquis de Péry commanda à Wissembourg et sur les lignes. On réforma son régiment, par ordre du 28 janvier 1715, après la paix de Ryswick(2).

Le marquis de Péry se retira complètement alors dans sa seigneurie de La Norville. Les nombreuses expéditions auxquelles il avait pris part l'avaient à peu près empêché jusque-là d'y faire quelque séjour. Au mois de mars 1707, il avait cependant été témoin avec Etienne Firmin Dautrive, officier d'infanterie, du mariage de deux laboureurs, Germain Thomine et Louise Ferrand, de La Norville.

Après la paix, suivant en cela les exemples de son défunt beau-père Jean-Baptiste Choderlot de La Clos, le marquis de Péry donna à ses vassaux de nombreuses marques d'attachement et d'estime. Il signa en qualité de témoin l'acte de mariage de Benoît Guillet, son garde-chasse, en 1717. L'année suivante, au mois de septembre, il tint sur les fonts baptismaux la fille de ce garde, à laquelle il donna le nom de Jeanne. La même année, il fut présent à l'abjuration de son valet de chambre élevé dans l'hérésie de Luther et se porta garant, ainsi qu'en 1718, envers le chapitre de Notre-Dame de Paris pour Toussaint Bouteloup et son épouse, fermiers des dîmes à La Norville.

Le marquis de Péry fit aussi tous ses efforts pour agrandir ses domaines. Il se rendit acquéreur d'un arpent de vigne à la fontaine Saint-Denis, en bas de son parc, et de 14 arpents de terres et vignes au Souchet. A Jean-Baptiste Chabarne, grand valet de pied du roi, il acheta le petit château ou fief des Carneaux, qu'il posséda en roture, deux maisons et 45 arpents de terres et vignes sur différents territoire pour la somme de Paris, 28 arpents de terre; à plusieurs particuliers, quelques petits domaines; au total : environ 134 arpents de biens fonds qu'il ajouta aux 215 arpents précédemment achetés avec la seigneurie à Jean-Baptiste Cauvin de Villiers(3).

Le marquis de Péry mourut à La Norville le 4 mars 1721, à l'âge de soixante-quatorze ans. Il laissait deux filles : Marie-Charlotte qui épousa Louis-Nicolas Groult de Flacourt, écuyer, en 1738, grand-maître des eaux et forêts du département d'Orléans, et Etienne-Victoire qui mourut dans le célibat en l'année 1735.

Le corps du marquis de Péry fut inhumé dans le choeur de l'église de La Norville en présence de Messire Astorg, bénéficia de l'Hôtel-Dieu d'Arpajon, de Jean Prunier l'aîné, de André Bigot et de Etienne Carqueville, marguilliers. Les sépultures n'ayant pas été violées à La Norville pendant la tourmente révolutionnaire, les cendres du marquis de Péry reposent encore dans l'église de ce lieu(4).

Un mausolée avait été élevé en son honneur dans la chapelle de Notre-Dame des Minots, à l'endroit où s'ouvre maintenant la porte qui donne entrée dans la chapelle de la vierge. Il consistait en une plaque de marbre noir entourée d'ornements en plâtre de peu de valeur. Sur la plaque de marbre on lisait cette inscription : A la mémoire de Jean-Baptiste marquis de Péry, lieutenant général des armées de Louis XIV, qui entre autres beaux exploits, défendit bravement Hagueneau contre le prince de Bade. Il mourut dans son château de La Norville, le 4 mars 1721, à l'âge de 74 ans. Le marbre et l'inscription disparurent à la fermeture de l'église en 1793; les restes du mausolée, en partie du moins, furent détruits au moment où la porte actuelle fut percée, et les derniers vestiges dans des réparations faites à l'église. Pendant un certain nombre d'années on perdit le souvenir de cet homme de guerre qui peut occuper le premier rang parmi les officiers généraux secondaires du règne de Louis XIV. Récemment l'inscription de l'ancien mausolée à été rétablie. Gravée sur une simple pierre scellée au mur dans le chœur de l'église, elle rappelle et le lieu de la sépulture et le plus remarquable des exploits du marquis de Péry, en son vivant lieutenant général des armées du roi, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, seigneur châtelain de La Norville, de Mondonville, des Granges, du Clos, des Boucheries les Châtres et autres lieux.

(1) Archives du château de La Norville.
(2) PINARD, Chronologie historique militaire. - DANIEL, Histoire de France. - LEBOEUF.
(3) Archives du château de La Norville.
(4) Archives communales.

(a) (sic) Sans doute : aimé

(M.A.J. 21/08/2001)

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