CHAPITRE V

Sommaire

Charles Leprince. - Les guerres de religion. - Pierre Leprince. - Jean de Bellemain. - Charles Leprince, second du nom. - Partage de 1601. - Charles Leprince, troisième du nom.

Après ce partage, Charles Leprince devint, en 1526, seigneur de La Bretonnière, de La Norville et des Granges. Pierre Leprince, son père, dès son acquisition, en 1474, avait attaqué les religieux propriétaires à La Norville. Charles Leprince, à peine à la tête de cette seigneurie, imita les agissements paternels. Il contesta tout d'abord aux Chartreux de Paris leurs droits sur la terre de La Bretonnière. Ses efforts ne furent pas couronnés de succès. Plusieurs sentences du Châtelet, la dernière du 1er février 1530, mirent un terme à ses prétentions. Il parut un instant plus heureux contre les religieux du couvent de Notre-Dame de Josaphat, près Chartres. Ceux-ci avaient le droit de percevoir 32 sols parisis de cens sur un arpent et demi de pré à Saint-Germain et sur un arpent et demi de terre en trois pièces, sises à La Norville, au champtier du Bon-Puits. Charles Leprince s'empara de ces rentes et les perçut jusqu'en 1543. Les religieux formaient opposition, mais inutilement. En fin de compte, ils s'adressèrent aux tribunaux et le seigneur de La Norville et de La Bretonnière, condamné à la restitution, dut, avec ses cohéritiers, passer un titre nouveau en faveur du couvent de Notre-Dame de Josaphat.

En 1546, le 13 février, il échangea pour une maison à La Bretonnière, avec Nicolas Buchère et Didier d'Aigremont, deux maisons en un tenant, l'une couverte en tuiles et l'autre couverte en chaume, avec cave dessous, cour, jardin et terre derrière, situées près l'église de La Norville, tenant, d'une part, aux héritiers Hersant, d'autre part à la Grande-rue, d'un bout aux héritiers Pierre Hersant, et d'autre au chemin de La Norville à La Bretonnière. Ces maisons, en la censive du seigneur des Carneaux et chargées de 6 livres tournois de rente envers l'église, renfermaient le pressoir du pays qui devint bannier après l'échange fait avec Charles Leprince. Ce pressoir existait encore il y a quelques années. Sur son emplacement a été construite une maison qui sert actuellement au jardinier du château. Le presbytère et une partie de son jardin ont été pris sur les terres jointes à ces maisons dans la portion attenant au chemin qui, partant de l'église de La Norville, allait à La Bretonnière en passant le long de la garenne du Rossay(1).

Charles Leprince avait épousé, le 26 février 1527, Madeleine de Quincampoix, fille de Louis de Quincampoix, échanson de la reine Marie de Navarre, seigneur de Metz et de Longuesse. L'alliance qu'il prit dans cette famille le jeta dans le parti calviniste. Après avoir honorablement servi le roi en Piémont dans l'arrière-ban de 1540, en qualité d'homme d'armes, il suivit, dans un âge avancé, le prince de Condé dans la révolte.

En 1562, eut lieu le massacre de Vassy. Les calvinistes, depuis longtemps excités par leurs ministres, se soulevèrent à cette nouvelle. Leur chef, le prince de Condé, frère du roi de Navarre, vint se mettre à leur tête et marcha sur Fontainebleau pour enlever le roi. Charles IX, accompagné du roi de Navarre, du duc de Guise et du connétable de Montmorency, rentra à Paris. Le prince de Condé le suivit avec ses troupes, mais, devant l'attitude énergique des Parisiens, il fit passer son armée sur le pont de Saint-Cloud et, marchant du côté de Montlhéry, se rendit à Orléans qu'il surprit le 2 avril 1562. Les gentilshommes calvinistes se rendirent alors en masse au camp de Condé. Charles Leprince et son cousin Saint-Phalle furent du nombre.

Pendant que l'armée royale faisait le siège de Rouen mis en la possession des révoltés, Dandelot, frère de l'amiral de Coligny, amenait d'Allemagne une armée de  7 000 hommes au secours du prince de Condé. Lorsque ces Allemands furent arrivés à Orléans, les chefs du parti ne surent comment les faire subsister. Ils résolurent de faire quelques entreprises, quoi qu'il dût arriver. Le prince de Condé, à la sollicitation des ministres dont la haine était extrême contre les Parisiens, décida de marcher sur Paris dans l'espérance de s'en rendre maître. Il se mit en campagne, prit, chemin faisant, Pluviers, La Ferté-Alais, Etampes, Dourdan et Montlhéry, étendant ainsi ses troupes dans une grande partie de la Beauce et dans tout le Hurepoix. Le passage de ces soldats allemands causa de grands désastres. La Norville et La Bretonnière ne furent pas plus épargnées que le village de Montlhéry, les châteaux de Marcoussis et d'Orsay, les monastères de Marcoussis et de Longpont qui furent pillés, dévastés et livrés aux flammes(2).

Le prince de Condé arriva, le 21 novembre 1562, à Ville-Juif. Le lendemain, il attaqua le faubourg Saint-Victor. Repoussé par le duc de Guise et ne pouvant plus faire subsister ses troupes dans un pays déjà ruiné, il se retira, le 10 décembre, par Palaiseau, Limours et Saint-Arnoult pour rentrer en Beauce, laissant à Montlhéry une garnison de calvinistes qui, pendant une année, ravagea les environs. D'Orléans, où il se retira, le prince de Condé marcha sur Dreux. Là, il fut battu et fait prisonnier par le duc de Guise. Charles Leprince, qui avait suivi Condé dans toutes ses expéditions, se trouva-t-il à cette bataille dans les rangs de  calvinistes ? on ne le sait. Sa rébellion, en tout cas, ne trouva pas beaucoup d'imitateurs dans sa famille. Son cousin germain Nicolas de Brichanteau, seigneur de Beauvais-Nangis, René d'Anglure, seigneur de Givry, frère utérin de Nicolas, François et René de Billy, ses deux neveux, combattirent dans les rangs des catholiques et scellèrent de leur sang à la bataille de Dreux leur dévouement à la religion et au roi. Après la bataille de Dreux, le duc de Guise marcha sur Orléans. En route, il reprit Montlhéry, puis Etampes. Les seigneuries de La Norville et de La Bretonnière demeurèrent alors sous la protection des troupes du roi pendant tout le règne de Charles IX, comme le prouve le séjour que fit ce prince au château de Chanteloup, en l'année 1568.(3)

Charles Leprince échappa au massacre de la Saint-Barthélémy. Le 13 octobre 1573, il partagea ses biens entre ses enfants. De son mariage avec Madeleine de Quincampoix il avait eu deux fils et deux filles : Charles, qui devint seigneur de La Bretonnière ; Pierre, qui fut un instant seigneur de La Norville ; Marie, qui épousa Oudard de Piédefer, seigneur de Saint-Marc, et en secondes noces Jacques de Vilcardel, seigneur de Fleury et marquis de Tréviers, en Piémont ; Anne, qui épousa François de Piédefer et plus tard Charles Delaporte, seigneur de Chevroches.

D'après ce partage de 1573, La Norville fut détachée de La Bretonnière et échut au fils puîné, Pierre Leprince. Celui-ci, marié à Michelle Deponat, ne resta pas longtemps, après la mort de son père, en possession de cette seigneurie, le 4 octobre 1578, il la vendit et se retira dans ses propriétés de Basson et de Marcilly la Haye, près Sens, qu'il tenait des propres de sa femme. Avec une maison de fermier, étable, cour, colombier et un jardin derrière, contenant 3 arpents moins 10 perches, le domaine de La Norville comprenait alors 84 arpents 66 perches de terre. Il fut vendu pour la somme de 2 333 écus et un tiers d'écu d'or, sol de France.

Jean de Bellemain, l'acquéreur, était écuyer, gentilhomme ordinaire de la chambre des rois d'Angleterre Henri VIII, Edouard VI et de la reine Elisabeth. Envoyé par cette princesse avec d'autres gentilshommes au secours des calvinistes de France, il se lia d'amitié dans les camps avec Charles Leprince. Au mois de mars 1572, il maria sa fille unique Elisabeth avec le fils aîné de ce seigneur et acheta le fief de Roinvilliers ou des Marchands, à La Norville l'acquisition qu'il fit des biens de Pierre Leprince, en 1578, il devint seigneur de ce lieu et, à ce titre, il rendit un aveu et dénombrement au roi Henri III, le 20 août 1581, il mourut en l'année 1583. Sa fille Elisabeth qu'il avait eue de son mariage avec Marie Alington, d'une des plus illustres familles d'Angleterre, hérita de ses biens et les porta à son mari Charles Leprince, seigneur de La Bretonnière, frère aîné du seigneur de Basson, Benizy et Marcilly la Haye. La Norville, séparée de La Bretonnière par le partage du 13 octobre 1573, fut de nouveau, par cet héritage, réunie à cette seigneurie.

Charles Leprince, second du nom, suivit comme son père la carrière des armes et se jeta dans le parti calviniste. La guerre civile et religieuse un instant suspendue, avait permis au roi Henri III d'habiter en paix, dans les années 1578 et 1581, le Château d'Ollainville qu'il avait acheté de Benoît Milon. Cet état de tranquillité relative dura peu. La ligue s'était formée sous la conduite du duc de Guise et son influence s'était accrue au point de forcer le roi à sortir de Paris. Les partisans de la Ligue errèrent, après le départ, aux environs de la capitale. Montlhéry fut pris par eux sur les troupes du prince de Condé; mais, ils se rendirent si odieux et commirent tant d'exactions, que les habitants exaspérés se soulevèrent, tuèrent la capitaine ligueur, mirent en fuite ses soldats, fermèrent leurs portes et se tinrent neutres entre les deux partis. Ils remirent cependant leur ville et le château au roi lorsque après les états de Blois, en 1589, Henri III et le roi de Navarre marchèrent contre Paris après avoir pris Etampes et Dourdan(4).

Pendant le siège de Paris contre le duc de Mayenne, siège qui fut abandonné et repris plusieurs fois, les soldats royalistes parcoururent à leur tour le Hurepoix en tous sens. Après la bataille d'Arques Henri IV vint camper plusieurs jours à Linas et marcha ensuite sur Etampes. Trois ans plus tard, il était à Savigny et à Corbeil(5). Dans la nuit du 5 janvier 1592, un détachement de ses troupes surprit Châtres et Leuville après avoir traversé Brétigny et La Bretonnière. Il enleva une certaine quantité de blé pour approvisionner Corbeil. Enfin, cette guerre civile, dont les paysans de l'Ile de France supportaient en grande partie le poids, se termina. Henri IV embrassa le catholicisme et entra dans Paris le 27 mars 1594.

Alors, après avoir été souvent, par la position de leurs villages, témoins de toutes ces luttes, les habitants de La Norville et de la Bretonnière furent appelés à jouir d'un spectacle bien plus pacifique et bien plus réjouissant. Le pape Léon XI(a), résolu, à reconnaître Henri IV pour roi de France, malgré les instances de l'Espagne, envoya officiellement à ce prince un ambassadeur extraordinaire, Alexandre de Médicis, connu plus communément sous le nom de cardinal de Florence. Henri IV résolut de recevoir avec magnificence l'envoyé du souverain pontife. Il ordonna à Paris d'immenses préparatifs. Comme ils n'étaient pas terminés et que le légat approchait, on le pria de s'arrêter quelques jours à Chanteloup, près Châtres, dans le château qui fait face, sur la rive gauche de l'Orge, aux villages de La Norville et de la Bretonnière. Alexandre de Médicis y arriva le 16 juillet 1596. Un grand nombre de prélats et de personnes de qualité vinrent le saluer dans cette demeure royale; Henri IV lui-même accourut en poste de la frontière, où était l'armée, pour lui rendre visite. Toute la cour, une suite nombreuse et brillante de seigneurs et de princes le duc de Mayenne lui-même, accompagnèrent le roi. On donna de nombreuses fêtes à Chanteloup pendant tout le séjour du légat qui fit seulement son entrée solennelle à Paris le jour de la fête de Saint Jacques.

Charles Leprince mourut en 1601. Le 27 septembre de cette année, le partage de ses biens fut consenti entre ses trois enfants ; Charles, encore mineur, assisté de Jean Patru, son procureur, sous l'autorité de Jean de Châtres, écuyer, son curateur; Elisabeth, épouse de James William, gentilhomme anglais; et Anne, épouse de Josias Mercier, écuyer, seigneur de Grigny, des Bordes et du Plessis le Cote.

Le château de la Bretonnière, le lieu seigneurial de La Norville, et un certain nombre de propriétés, devinrent l'apanage du fils. Le premier lot de la succession, composé de la ferme de La Bretonnière, du fief des Granges et de ses dépendances, des fiefs de la rue du Clos et de la Boucherie, à Châtres, échut à Elisabeth Leprince. Le deuxième lot, composé de la petite maison de La Norville attenant au pressoir et ses dépendances, du clos de vignes de ce lieu, de 24 arpents de bois à la Bretonnière, des près, des terres de La Norville, d'un certain nombre de censives dans cette paroisse, à la Bretonnière et à Mondonville, de tous les fiefs autres que celui des Granges et ses dépendances, échut à Anne Leprince. Cette dernière et Josias Mercier, son mari, possédèrent ainsi tous les biens que Charles Leprince défunt et son épouse Elisabeth de Bellemain avaient au territoire de La Norville, sans y avoir toutefois les droits seigneuriaux. Ils achetèrent, vers 1602, une portion de l'héritage échu à Elisabeth Leprince. C'est ainsi qu'ils reçurent, en qualité de seigneurs des Granges, les déclarations des censitaires pendant les années 1604, 1605, 1606, 1607.

Charles Leprince troisième du nom, seigneur de La Norville et de la Bretonnière, rendit de ces terres foi et hommage au roi en l'année 1604. En 1606, il épousa Charlotte Camus, soeur de Pierre(b) Camus, évêque de Belley, confident et historien de saint François de Sales et fille de Jean Camus, seigneur de Saint-Bonnet, et de Marie Lecomte. Ce mariage honora beaucoup Charles Leprince : son beau-père était intendant et contrôleur général des finances, poste très important à cette époque, mais il lui procura surtout l'avantage inappréciable de la conversion. L'alliance que son aïeul avait prise dans la famille des Quincampoix l'avait jeté dans le parti calviniste,  l'alliance qu'il contracta avec les Camus de Saint-Bonnet le ramena au catholicisme. Deux de ses petites-filles devinrent religieuses au couvent de Saint-Eutrope, près Chanteloup, et lui-même fut, en 1607, parrain de la cloche qui sonne encore aujourd'hui dans l'église de La Norville.

Charles Leprince suivit la carrière des armes. Il servit en Allemagne et en Hollande comme volontaire et entra plus tard dans la compagnie des chevau-légers du duc d'Orléans. Mais alors il n'était plus seigneur de La Norville. Au mois de janvier 1610 il avait fait un échange avec son beau-frère Josias Mercier, seigneur des Bordes. Il lui avait cédé l'ancien lieu seigneurial de La Norville, consistant en une petite maison couverte en tuiles, un grand colombier, une cour où se trouvaient les pierres de vieilles masures, un jardin et terre derrière, contenant en fonds, sept quartiers environ, sis près de l'église, avec le droit de haute, moyenne et basse justice, ressortissant en appel du prévôt de Paris et mouvant en plein fief du roi à cause de son château de Montlhéry. En compensation il avait reçu quatre arpents de vigne à La Bretonnière, 50 livres de rente à prendre sur les libraires de Paris, et une somme de 340 livres. Par cet échange, Josias Mercier et Anne Leprince, son épouse, depuis dix ans propriétaires à La Norville, devinrent l'un seigneur et l'autre dame de ce lieu(6).

(1) Archives du château de La Norville.
(2) MALTE-BRUN, Histoire de Marcoussis.
(3) Id.
(4) MALTE-BRUN, Histoire de Montlhéry.
(5) LEBOEUF.
(6) Archives du château de La Norville.

(a) Il semble qu'il s'agisse de Clément VIII.
(b) ou Jean-Pierre.

(M.A.J. 19/08/2001)

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