La représentation des noms en généalogie
par Marc-Etienne VARGENAU

Sommaire

Le travail du généalogiste commence par des tâches d'analyse où il doit rechercher des documents originaux, les confronter et en déduire des informations précises sur les personnes qui l'intéressent et les liens qui les unissent. Une fois les renseignements collectés, une tâche de synthèse est nécessaire, conduisant à dessiner des arbres et à rédiger une chronique familiale ou patronymique sur les personnes composant la généalogie. Des choix sont alors indispensables pour représenter de manière cohérente les noms des lieux et des personnes.

Les toponymes

Le premier cas concerne la transcription des noms des lieux où se sont produits les événements. Que faire lorsque la commune a changé de nom depuis l'événement ou a été fusionnée avec une autre ? On peut choisir d'utiliser soit le nom actuel, soit le nom ancien. La première solution facilitera les recherches (surtout dans le cas de l'utilisation d'un logiciel, avec l'édition de listes éclair) ainsi que l'accès pour le lecteur moderne, la seconde sera plus proche de la réalité historique. Le choix pourra être différent selon que le changement de nom est définitif (Châtres devient Arpajon) ou provisoire, le cas le plus typique étant celui de la période révolutionnaire pendant laquelle de nombreuses communes ont changé de nom puis sont revenues au toponyme initial. Tel ancêtre pourra être né à la Roche-sur-Yon, s'être marié à Napoléon-sur-Yon, avoir donné naissance à un enfant à Bourbon-Vendée et enfin être décédé à la Roche-sur-Yon, le tout sans avoir quitté le chef-lieu de la Vendée.

Le problème de la représentation du nom se complique lorsque l'événement auquel on se réfère a eu lieu à l'étranger. On est alors confronté au choix consistant à traduire le nom du lieu en français ou à le laisser dans la langue de l'acte. Nous reviendrons sur cet aspect lors de la discussion concernant les prénoms.

Bien entendu, nous parlons ici de la « représentation principale ». Dans tous les cas, les variantes non retenues présentant un intérêt feront l'objet de notes explicatives indiquant les sources (actes ou documents utilisés) ainsi qu'une justification des choix lorsqu'ils sont délicats. On remarquera au passage que les choix sont nécessaires dès le début des travaux si l'on utilise un logiciel, afin de faciliter les traitements (recherches, sélections par exemple). Les logiciels offrent maintenant des possibilités de rattachement entre variantes d'un même patronyme ou toponyme, mais cela ne résout pas toujours le problème. La base de données Généanet ne reconnaîtra pas toujours des noms comme identiques, ces liens étant forcément perdus lors de l'exportation, à moins de tout dupliquer.

Terminons cette partie en rappelant qu'en français tous les composants d'un nom de commune sont reliés par des traits d'union, sauf bien entendu l'article initial le cas échéant. On pourra se reporter au Lexique des règles typographiques en usage à l'Imprimerie nationale pour plus de détails.

Les patronymes

Le deuxième cas, sur lequel nous ne nous étendrons pas, concerne l'orthographe des patronymes, dont il est bien connu qu'elle peut être très variable dans les actes anciens. Un patronyme sera parfois orthographié différemment pour un même individu ou une même famille dans la rédaction d'un acte donné. L'orthographe dans le corps de l'acte pourra aussi différer de celle de la signature de la personne. La notion de choix personnel est ici essentielle. On choisira probablement de rectifier une orthographe fautive due à la méconnaissance par le rédacteur du patronyme en question, ce qui peut être le cas lorsque le rédacteur, ou la personne concernée, est dans la région depuis peu. Il me semble que les choix effectués devraient mettre en évidence l'évolution de l'orthographe dans le temps et les différentes branches (notamment géographiques) de l'arbre, tout en éliminant les variantes manifestement erronées.

Si l'acte n'est pas rédigé en français, des adaptations seront éventuellement nécessaires pour se conformer à l'usage français. Les patronymes peuvent avoir été latinisés dans le cas d'un acte en latin. Certaines langues peuvent présenter des particularités consistant par exemple à ajouter un suffixe au patronyme de l'époux pour obtenir celui de l'épouse. En allemand, on aura le suffixe -in, en tchèque le suffixe -ova. Le suffixe allemand peut se retrouver dans des actes d'état civil alsaciens, y compris ceux rédigés en français au début du XIXe siècle. On choisira généralement de supprimer ce suffixe, qui de toute manière ne sera pas géré par les logiciels.

Les prénoms

Si l'orthographe des patronymes peut être considérée comme relativement arbitraire, puisqu'elle résulte généralement de la fixation d'une prononciation à un moment donné dans un endroit particulier, celle du prénom peut dans la plupart des cas être déterminée avec certitude puisque le prénom se réfère à une personne, souvent un saint de l'église catholique ou parfois un personnage antique ou mythologique pour lequel il existe une orthographe reçue.

Le saint ou le personnage en question permettra également le cas échéant de traduire le prénom dans la langue voulue. Jusqu'à une époque récente, il était d'usage de traduire les prénoms, comme on traduit les noms de ville ou de pays. De Jules César à Charlemagne, de Guillaume le Conquérant à Guillaume II, de Christophe Colomb à Joseph Staline, nous désignons les grands noms de l'histoire en français. Cette traduction présente le double avantage de faciliter au lecteur la compréhension et la prononciation du prénom et également de lui donner une référence commune. Appeler Jean un Espagnol qui dans sa propre langue se nommerait « Juan », ou un Italien qui se nommerait « Giovanni », ou un Allemand qui se nommerait « Hans », c'est mettre l'accent sur ce qui les unit, de l'évangéliste à tous ceux qui, célèbres ou inconnus, ont porté ce nom.

La mondialisation et la rapidité des échanges font que de plus en plus on utilise la solution de facilité qui consiste à laisser le prénom dans la langue de l'autre. Les difficultés sont alors de plusieurs ordres. On passera rapidement sur les évidentes difficultés de prononciation qui vont probablement dénaturer le prénom plus qu'une traduction. De façon plus gênante, on aura la situation curieuse où tel souverain d'un pays étranger montera sur le trône avec un nom différent de celui de ses ancêtres, d'où une incohérence apparente dans la numérotation. L'usage journalistique hésite actuellement entre Élisabeth II et Elizabeth II. Son fils aîné Charles ne pose évidemment pas de problème de traduction, mais la quasi-totalité des journalistes appellent ses fils Henri et Guillaume, « Harry » et « William », à l'anglaise. On notera au passage que dans tous les cas, « Charles » sera prononcé à la française. Une autre difficulté concerne les traductions partielles, où l'on traduit certains prénoms proches du français, et pas les autres. Deux frères russes pourront alors s'appeler « Alexandre » (traduction) et « Sergueï » (translittération).

Un exemple typique est celui de la religieuse bien connue Mère Thérèse, que l'on verra plus généralement appelée Mère Teresa, sans traduire le prénom, alors même qu'en prenant le voile elle a choisi ce nom en se mettant sous le patronage de Thérèse de Lisieux. On refuse alors, par ignorance ou par paresse, la traduction vers la forme d'origine, alors qu'on autorise implicitement celle vers la forme étrangère. Le cas est également typique des déformations qu'entraîne la non-traduction, puisqu'on trouvera fréquemment des formes fautives telles que « Térésa » ou « Thérésa ».

Le cas de l'Alsace

La question de la représentation des toponymes et des prénoms se pose particulièrement pour ma généalogie, essentiellement située en Alsace. Bien que province française depuis le XVIIe siècle, la langue parlée en Alsace restera longtemps un dialecte de l'allemand, le latin étant également utilisé pour la rédaction des actes paroissiaux (baptêmes, mariages et sépultures). Les premiers actes de l'état civil, entre 1792 et 1800 environ, seront souvent rédigés en allemand. Ensuite les actes seront rédigés en français, avec bien sûr une coupure lors de l'annexion de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine à l'Empire allemand entre 1871 et 1918. Une seconde coupure, peut-être moins connue, aura lieu lors de l'annexion de fait au IIIe Reich entre 1940 et 1944. Les actes seront alors à nouveau rédigés en allemand. On comprendra aisément que de nombreuses personnes ont vu les différents actes les concernant (NMD ou BMS) rédigés selon le cas dans l'une ou l'autre langue. Dans tous les cas, les prénoms sont donnés dans la langue de rédaction de l'acte.

Ma généalogie étant rédigée en français, il m'a donc semblé logique de systématiquement traduire tous les prénoms en français, y compris ceux pour lesquels tous les actes sont en allemand, afin d'éviter une coupure arbitraire entre un père qui s'appellerait Johann Jacob et son fils qui s'appellerait Jean-Jacques. Il me semble que la traduction devrait être de règle dans un texte soigné à caractère historique. D'autres généalogistes ont fait ce choix, c'est par exemple le cas du livre de Jean-Louis Kleindienst sur la famille Ortlieb* .

J'espère avoir ouvert quelques pistes de réflexion pour la représentation des noms dans votre généalogie. Chacun choisira la représentation qui lui convient le mieux, selon ses affinités personnelles.

* Les familles ORTLIEB, Jean-Louis KLEINDIENST, première édition, janvier 1998

 

Sommaire


HTML 5 valide Feuille de style CSS 3 valide